16.1.08

Il y a un an et un jour...

Il y a un an et un jour, naissait la troisième petite fille de la famille, oui, celle dont le prénom commence par un P et s'achève par "ille"... Celle qui passe encore la majeure partie de sa nuit dans notre lit, sa petite main glissée dans mon dos ou celui de son père. Celle qui observe très sérieusement ses grandes soeurs puis rit aux éclats. Celle qui s'endort souvent dans l'écharpe, mais sait aussi avancer sur son porteur tout neuf. Celle qui suce son majeur et son annulaire en se frottant la joue avec les oreilles de son lapin. Mais appelons-là Pitère comme c'est l'usage sur ce blog.
Pitère donc avait prévu de venir au monde vers la mi-janvier, après les empoignades de Noël et au milieu des festivités des soldes, une petite fève bien grassouillette.
Moi, sa maman, comme pour les deux aînées, j'avais vécu une grossesse plutôt paisible physiquement, et tempêtueuse intérieurement. Je n'étais pas vraiment impatiente d'accoucher, mais je traînais bien un peu la patte et surtout un énorme ventre enrobé par les chocolats de Noël .
Comme pour Piwouane et Pitoue dontla naissance est relatée ici , ce bébé ne s'est décidé à entamer le plongeon qu'après s'être assuré que ses parents avaient enfin choisi un prénom, et étaient prêts à l'accueillir. La nuit du 14 au 15 janvier, donc, je parle à ce ventre qui me paraît si exubérant. Je pense m'être levée cinq à six fois dans la nuit pour Pitoue qui se réveille et me réclame inlassablement.
F. part au travail vers cinq heures vingt, je me lève et ressens une contraction très forte, différente des contractions de la grossesse, je reconnais immédiatement le début du travail (ou la fin?). Mais ma tête n'étant pas tout à fait encore en phase, je me contente de prévenir F. Il veut rester à la maison, mais je préfère l'envoyer bosser et profiter un peu de ce calme encore nocturne. Intimement, je sais que c'est pour très très vite, mais je me douche rapidement, je choisis des vêtements pratiques mais pas trop moches, je me prépare même un thé que je bois en consultant mes mails. A 5h40, je me rends à l'évidence et j'appelle F. Il n'avait de toute façon pas ôté son blouson de moto, sachant pertinemment que j'allais le rappeler très vite. Pour lui aussi c'est un troisième accouchement!
F met les valises dans la voiture, prévient sa mère que nous partons (ses parents sont à la maison), les filles dorment, je n'ose aller les embrasser de peur de les réveiller. Descendre les escaliers est un supplice, le trajet en voiture accélère la fréquence des contractions, et me coupe le souffle. J'ai vraiment une impression terrible de déjà-vu, avec ce départ à l'aube, qui ressemble point par point au jour de la naissance de ma deuxième fille, elle qui est encore mon bébé, du haut de ses vingt mois.
Nous arrivons à la maternité, les places d'urgence sont prises. Je descends donc seule, pendant que F va garer la voiture. Je sonne et avance en titubant un peu dans les couloirs, je me tiens au mur à chaque pas. Deux femmes me parlent, une sage-femme et une auxiliaire je pense. Je suis un peu dans le flou mais j'arrive à parler rapidement, et même je crois à sourire : "C'est mon troisième bébé et j'accouche très vite, je crois que c'est vraiment pour tout de suite... Je voudrais aller dans la chambre de naissance, mon mari va arriver." Il est 6h40.
La chambre de naissance, c'est une salle un peu à part dans cete maternité. Des murs lambrissés, un jaccuzzi, un ballon, un grand lit. F arrive. Nous nous sourions car nous nous sentons à l'aise ici, en terrain connu. Mais les contractions sont très fortes, cela me demande beaucoup de concentration pour en gérer la douleur. A quatre pattes sur le lit, je me balance, hanches à gauche, hanches à droite... Je parle à la sage-femme, qui lit tranquillement mon dossier, j'insiste sur la perfusion d'antibios à faire, mais elle n'a pas l'air très pressé. D'un côté, tant mieux, je suis ainsi tranquille, louve solitaire que je suis, mais d'un autre, j'aurais voulu être entendue. Dans le protocole, elle doit me mettre un monito et une voie pour la perfusion. En pratique,je ne me souviens plus du monito. Elle s'escrime à me poser une voie sur le dessus de la main, ce n'est pas facile à ce stade du travail, je peste un peu.
Quand je ne suis plus que gémissements, je dis que le bébé pousse déjà, et la sage-femme me demande si elle peut m'examiner. C'est difficile de se basculer sur le côté pour l'examen, je ne sais pas comment j'y parviens. Elle me dit que la poche des eaux est extrêmement bombée, que la tête appuie très fort, et que si elle perce la poche, le bébé va arriver immédiatement. J'hésite, car je me souviens de la sensation lorsque la poche des eaux s'était rompue d'elle pour Pitoue, comme une vague chaude qui se serait déversée. Mais je ne peux plus reculer l'arrivée de ce bébé. La sage-femme prépare son petit matériel, et perce la poche. F. qui est à mes côtés, se bidonne, car la poche a littéralement explosé au visage de la sage-femme qui est toute éclaboussée.
De mon côté, je n'ai plus le temps de rire, car la sage-femme avait raison, la tête du bébé est déjà là, je reconnais cette brûlure intense. La sage-femme me demande de me mettre sur le dos, le papa derrière moi. Dans un éclair de lucidité que je ne suis pas en état d'avoir et dont je lui sais gré, F proteste que je préfère être sur le côté. Je reste donc ainsi, même si j'aimerais que quelqu'un me tienne le genou, sans que j'aie la force de le formuler. La sage-femme me dit de ne pas pousser, de souffler. Une autre sage-femme (élève?) me dit de bien écouter , que c'est important. Je suis agacée, je n'ai pas envie qu'on me parle, qu'on brise ma bulle, ni qu'on m'infantilise. Je me cache la tête dans le tee-shirt de F. Mais je n'ai pas besoin de pousser, le bébé sort tout seul par la force des contractions.
Et puis d'un coup c'est ce calme immémorial. J'attrappe le bébé que me tend la sage-femme, je remonte vite mon tee-shirt pour le poser contre mon ventre. Quel dommage qu'elle se soit empressée de clamper le cordon.
Nous posons des yeux tout neufs sur ce bébé. C'est une petite fille. "Bonjour bébé, comme tu es belle!" Sa chaleur toute humide sur mon ventre, ses yeux plissés, ses mains aux longs ongles, son nez tout épaté d'être passé par un tunnel étroit. A elle comme à ses soeurs, nous chanterons "Bienvenue". Sur mon coeur, elle se blottit. Dans mon coeur, elle se love. Cette enfant dont l'idée abstraite me paraissait une folie, elle est là, incarnée dans une boule dodue et un peu collante, la bouche déjà pleine de mon sein.

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Amandine, je suis toujours émue en lisant les récits de naissance, mais celui-là est à la fois doux et poignant, c'est si joliment raconte, j'en ai les larmes aux yeux... Encore un joyeux anniversaire à votre petite Pitère :-)

Hélène a dit…

Trop joli récit tout comme Pitère, bises

Anonyme a dit…

Très beau et très émouvant ton récit. J'en ai les yeux tout humides. Ca me rappelle des souvenirs d'il y a 3 mois.

Anonyme a dit…

J'en suis toute émue de te lire, moi qui vais bientôt faire la connaissance de ce bébé que j'ai du mal encore à projeter ailleurs que dans mon ventre...

Maria a dit…

c'est magnifique! ta façon de raconter la naissance de ta petite pitère d'amour! tellement d'amour...

plein de bonheur à elle et à toi

Ana DuCocon a dit…

MerVeiLLeuX anniversaire à ta Puce.
Ton accouchement me rappelle les miens :-)
J'ai envie de recommencer tiens!
Zut le papa n'est pas d'accord pour le moment...

Anonyme a dit…

Je confirme, moi aussi j'ai les larmes aux yeux... ;-) très joli récit, on y ressent vraiment tes émotions :-)

Bisous.

Anonyme a dit…

rhhhôôôôô!! j'ai oublié!!!
alors avec un jour de retard: BON ANNIVERSAIRE MADEMOISELLE P !!!!"
et merci pour ce récit ...ça donne envie!

les Fannech' a dit…

Amandine cela me touche, me retourne... aujourd'hui une amie m'annonce un petit troisième en route. Una grande amie a mis au monde un petiot à 12h30... et maintenant ton récit... Bouh !
ça me travaille tout ça ! et pourtant on a dit pas de bb en 2008 !
Bises à Pi3 !

Sandrine a dit…

Euh...

Waouh.

C'est tout. Merci.

Anonyme a dit…

C'est magnifique Amandine, quelle belle naissance, quel tendre bonheur...

Bon anniversaire à...Pitère!

Bisous!

capu

Anonyme a dit…

Eve, j'adore vraiment ta façon de raconter. Je suis toute zémue et les larmes coulent toutes seules...
Si c'est ça c'est pas de l'amour !!!
Bravo pour tes trois si jolies petites filles et encore bon anniversaire à Pitère !!
Enormes bisous.

Neurone perdu a dit…

Chères lectrices, c'est moi qui suis émue de vous avoir émues! Merci pour les souhaits de premier anniversaire de Pitère!